Dans nos descriptifs cafés, et dans nos discours en boutique, la notion d’agroforesterie est très présente. Inévitablement, on nous pose la question de ce que cela veut dire. Bien que l’on entende parler de plus en plus d’agroforesterie dans les médias, dans le cadre de colloques et d’évènements, ce terme reste largement méconnu. L’agroforesterie est pourtant vouée à prendre une place grandissante, en particulier dans le monde du café.
Qu’est-ce que l’agroforesterie ?
L’agroforesterie désigne l’ensemble des pratiques nouvelles et/ou anciennes, associant arbres, cultures et/ou animaux sur une même parcelle agricole, en bordure ou en plein champ. Autrement dit, le principe est d’intégrer des arbres dans une exploitation agricole pour diversifier la faune et la flore. Elle est une alternative à l’exploitation intensive qui consacre une terre et un sol à une culture agricole exclusive.
L’agroforesterie recrée une culture la plus proche
de celui de notre écosystème qui s’autorégule.
Ce système repose d’abord sur des fondements écologiques :on cherche évidemment à préserver la biodiversité (différentes essences d’arbres mais également toute une faune chassée des exploitations intensives en particulier insectes, oiseaux…), et également la richesse et la pérennité des sols ( débris végétaux, humus… créent une litière qui enrichit les sols, alternative à l’engrais et aux produits phytosanitaires).
Le second enjeu majeur de l’agroforesterie est d’ordre économique et social. La monoculture s’est imposée un peu partout depuis les années 1950 avec l’intensification des échanges commerciaux, la mécanisation et bien sûr le développement des engrais chimiques. Si ce modèle a permis à certains gros acteurs de s’enrichir, il a aussi mis à mal la polyculture traditionnelle qui avait l’avantage, pour ceux qui la pratiquait, de diversifier les sources de revenus et de les prémunir d’une dépendance envers les industriels de produits phytosanitaires. L’agroforesterie, au contraire, encourage la pratique de la polyculture sur une même parcelle avec une agriculture vivrière pour assurer sa propre subsistance.
Différence flagrante entre un sol fertile, riche en humus et un sol
conventionnel, compact, sans vie microbienne.
Les enjeux pour le café
Pour le café, l’enjeu est de taille. La majorité des experts s’accordent pour dire qu’en 2050 la moitié des cultures de café seront inutilisables. Conséquence du changement climatique, la plupart des exploitations intensives de plaine ne seront plus. Il faudra aller chercher un climat favorable, souvent en altitude dans des zones moins accessibles. L’agroforesterie peut être une réponse à ces bouleversements. Le milieu montagneux, moins propice à la mécanisation que les exploitations de plaine, est le lieu idéal de la culture du café en agroforesterie car celle-ci garantit le maintien de la biodiversité, la protection des sols et des ressources en eau et en nourriture.
« Conséquence du changement climatique, d’ ici 2050, la plupart des exploitations intensives de plaine vont disparaître. »
Sur le plan purement qualitatif, l’agroforesterie apporte de très bonnes réponses. Les caféiers, en particulier les différentes espèces d’arabica, ont besoin pour se développer sereinement d’ombre et de sols riches. Les arbres recouvrant les caféiers les protègent de la lumière directe, servent de « brise vent », atténuant les stress thermiques. Les cerises du caféier mûriront lentement, le taux de sucre et de chair augmentera doucement pour développer des arômes fruités, floraux… Vous savez à quel point la notion de terroir nous est chère, nous qui avons grandi entourés d’appellations d’origine contrôlée et de terres viticoles. Pour le café cette notion de terroir prend tout son sens avec l’agroforesterie. Car ce mode de culture favorise les micro-climats en différenciant nettement les parcelles en fonction de la flore et donc du terreau, de l’ensoleillement, de l’altitude ou de l’exposition au vent.
« En Ethiopie, terre de montagnes, l’agroforesterie n’est pas un concept récemment théorisé mais une culture profondément enracinée. »
Des expériences réussies qui se multiplient
Notre rapport avec l’agroforesterie est ancien car lorsque nous avons créé Anbassa en 2007, le terroir de Gidaamii en Ethiopie a été parmi les premiers terroirs qui nous ont enthousiasmé. Dans cette région du Wallagga, l’agroforesterie n’est pas un concept récent, puisqu’elle se pratique naturellement depuis des siècles. Quand ils ne poussent pas à l’état sauvage, les caféiers sont le plus souvent élevés en pépinière avant d’être replantés en pleine forêt au milieu d’arbres à miel et d’arbres fruitiers. Depuis cette découverte nous n’avons pas cessé de travailler avec les producteurs de Gidaamii. L’Ethiopie est indéniablement le pays où l’agroforesterie est la mieux implantée pour la culture du café. Dans ce pays, il ne s’agit pas d’un modèle récemment théorisé mais d’une culture ancienne et enracinée.
A travers le monde, les expériences d’agroforesterie sont nombreuses et prennent des formes différentes selon le terroir : dans la ferme de Mini Granja Dilma au Honduras, on pratique l’élevage de volailles sur les parcelles de café ; à la ferme Clave de Sol, les nombreux arbres plantés au milieu des caféiers servent de fertilisant organique et d’habitat pour de multilples espèces d’oiseaux.
Dans la ferme Mini Granja Dilma en Honduras, les caféiers sont entourés
d’arbres et de volailles élevées sur ces parcelles.
Une solution d’avenir
Si l’on veut être optimiste, on peut dire que l’agroforesterie arrive de manière salvatrice face aux enjeux actuels en recréant une culture la plus proche d’un écosystème qui s’autorégule. Durant près d’un siècle, on a cru à tort que l’agriculture intensive serait la solution du productivisme mais le modèle est en déclin : récolte de moins en moins importante, perte de qualité et détérioration des terroirs. Sur le plan environnemental les avantages de l’agroforesterie sont évidents, on a déjà évoqué le maintien de la biodiversité, l’enrichissement naturel des sols, on aurait pu parler des systèmes racinaires qui protègent les sols de l’érosion et contribuent au remplissage des nappes phréatiques. Du point de vue des producteurs, l’agroforesterie leur redonne une indépendance perdue avec le modèle intensif (retour à une agriculture vivrière, production de bois de chauffe et construction) et une résilience face aux variations des cours de la matière première et aux divers effets du changement climatique. Mais surtout, l’agroforesterie est capitale pour préserver un écosystème et la pérennité des terres.
Forêt caféière d’Anfilloo dans le terroir de Gidaamii (Ethiopie).